Itinérance à Chicoutimi : le phénomène prend de l’ampleur

Par Jean-François Desbiens
Itinérance à Chicoutimi : le phénomène prend de l’ampleur
Croiser des gens qui quêtent un peu d’argent devant des commerces à Chicoutimi n’est pas rare. (Photo : Jean-François Desbiens Trium Médias)

Se promener régulièrement sur la rue Racine est suffisant pour constater qu’il y a maintenant davantage d’itinérants à Saguenay. Le Service de travail de rue de Chicoutimi le confirme.

« Il y en a beaucoup plus qu’avant, souligne l’intervenante Yany Charbonneau. Le problème s’est aggravé. Ces gens ne peuvent sortir de la rue parce qu’ils n’ont pas d’alternative. Les solutions manquent », lance-t-elle.

Avant de participer au dénombrement effectué à l’échelle régionale, les travailleurs de rue les ont comptés à Chicoutimi en septembre dernier. Il y avait alors 48 personnes vivant dans la rue et dormant à l’extérieur.

« Ils ont accès aux refuges, souligne Yany Charbonneau, mais ce n’est pas un hébergement garanti chaque soir. »

Parmi ces personnes sans domicile, sept étaient des femmes.

« On en voyait beaucoup moins avant. Elles vivaient de l’itinérance invisible, par exemple en se promenant d’un parent à un ami pour être hébergées. »

Tous ces gens s’ajoutent à ceux qui fréquentent la Maison d’accueil pour sans-abri de Chicoutimi, qui peut accueillir une trentaine de personnes.

Personnes à risque

Mais ce n’est pas tout. Toujours selon le Service de travail de rue de Chicoutimi, 22 autres personnes étaient à risque imminent d’itinérance, dont cinq femmes.

« Ce sont des personnes qui, du jour au lendemain, pourraient perdre leur logement ou leur chambre pour plusieurs raisons. »

Les travailleurs de rue ont également visité 26 campements de fortune érigés par des sans-abri dans l’arrondissement.

Plusieurs causes expliquent que l’itinérance soit plus visible aujourd’hui selon l’intervenante, dont la pandémie.

« On a constaté une augmentation de l’isolement et de la détresse psychologique. La pandémie a eu des répercussions encore plus importantes pour les personnes qui étaient déjà vulnérables. »

La crise du logement contribue aussi.

« Imaginez quand vous avez un faible revenu, sans accès à un ordinateur en tout temps alors qu’il faut regarder les offres chaque jour et plusieurs fois par jour. Ce n’est pas tout le monde qui est capable de faire ça. Il y a beaucoup d’embûches. Il faut aussi que le prix du logement soit abordable et que le propriétaire accepte de prendre la personne aussi. Ils ont maintenant l’embarras du choix. »

Cellules de crise

Deux comités de travail dédiés au phénomène, des équivalents de cellules de crise, sont en place actuellement à Saguenay. Ils regroupent des intervenants de la Ville de Saguenay, de la police, du CIUSSS et d’organismes communautaires.

Le premier cherche à trouver des solutions à la mixité de la clientèle.

L’autre comité, plus clinique, vise à répondre aux besoins particuliers des personnes dans la rue en faisant un suivi intensif en lien avec leur dépendance.

« L’hiver s’en vient. Il faut qu’ils puissent aller quelque part ces gens-là le jour pour prendre un café, se réchauffer. Le comité regarde pour ouvrir un centre de jour, comment mettre quelque chose sur pied. On travaille fort là-dessus. »

Pour faciliter la cohabitation avec la population et les commerçants, les travailleurs de rue se déplacent également pour offrir des services, lorsqu’il y a des demandes.

Et ils font aussi beaucoup de sensibilisation auprès du grand public en général.

« On explique la situation. Pourquoi il est important de les considérer avant tout comme des personnes, pas des itinérants. »

 

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