L’urgence de logements abordables

Chronique par Roger Lemay
L’urgence de logements abordables

Chronique

Je suis propriétaire d’immeubles locatifs. Pour une des rares fois en plusieurs années, un de mes logements s’est libéré ces dernières semaines parce que ma locataire, malade, doit déménager dans une résidence offrant des soins. Une heure seulement après avoir publié une annonce sur Marketplace, je fus carrément inondé de réponses. En fait, je n’ai jamais eu autant de demandes pour un de mes logis.

Ce qui m’a surpris le plus est le nombre de jeunes immigrants se cherchant un appartement. Des mécaniciens marocains, deux jeunes couples de Philippins dont les gars travaillent dans des scieries, un Africain réceptionniste dans un hôtel, une Africaine et une Haïtienne œuvrant comme préposées aux bénéficiaires, etc. Cela en plus des jeunes familles, des étudiants. Toutes des personnes, avec des salaires corrects, mais se cherchant quelque chose autour de 500 à 750 dollars par mois, propre, bien situé. Or c’est justement ce qui manque…

Ça m’a sauté aux yeux, notre région est désormais touchée, elle aussi, comme toutes les autres, par la pénurie de logements abordables. Inutile de demander aux propriétaires privés de blocs à logements de geler le prix de leurs unités. La plupart des propriétaires sont des personnes ne possédant qu’une, deux ou trois portes, et qui comptent sur ce revenu pour vivre, en partie. Ils sont eux aussi victimes des prix à la hausse quand il s’agit de remplacer une fenêtre, réparer un évier, faire déneiger le stationnement ou payer les taxes municipales.

Alors comment déboguer le problème ? Il y a bien sûr les HLM, subventionnés par l’État et dont le locataire paie 25 % de son revenu (l’immeuble est donc déficitaire et le déficit est payé par les contribuables), puis il y a les appartements subventionnés (le propriétaire de l’immeuble reçoit de l’État un pourcentage du coût du loyer). On peut ajouter le Programme d’habitation abordable, en vertu duquel Québec appuie des projets de construction de logements abordables. Mais dans les trois cas, il s’agit de solutions soutenues par l’État et s’adressant à une clientèle à très faible revenu. Ce n’est pas une option pour un travailleur de la classe moyenne.

La solution : les coopératives d’habitation

Puis il y a les coops d’habitation. J’ai toujours trouvé la formule intéressante. Dans ce type de structure, les locataires sont membres d’une coopérative qui est elle-même propriétaire de l’immeuble. Ils prennent ensemble les décisions le concernant. Plusieurs coopératives sont établies dans des immeubles convertis, comme d’anciennes écoles ou des couvents, et sont très bien aménagés. L’État subventionne ainsi la construction-conversion de l’immeuble et les membres de la coop prennent le relais. C’est bien moins cher qu’une construction neuve et on retrouve plusieurs immeubles dans notre région qui pourraient faire l’affaire. Par-dessus tout, une coop d’habitation responsabilise les locataires. Car la sortie de crise du logement locatif ne doit pas reposer uniquement sur les épaules du gouvernement ou des municipalités.

La bonne nouvelle est que le gouvernement de la CAQ se dirige vers cette avenue. Plutôt que de financer la construction d’appartements neufs, la ministre responsable de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, souhaite dans l’avenir financer l’achat d’immeubles déjà existants. J’ai bien hâte de voir comment vont s’articuler les nouveaux programmes.

C’est donc un chantier complexe, d’autant plus qu’il existe des centaines de regroupements de propriétaires et de locataires qui ne sont pas fédérés. Pour les discussions, on se rabat ainsi principalement sur le Frapru et la Corpiq qui ont un passé de relations houleuses.

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